Le premier Tarzan avec Johnny Weissmuller (et le premier Tarzan parlant). Le film coche à peu près toutes les cases de ce qui est moralement inacceptable aujourd'hui : racisme, colonialisme, sexisme, spécisme, etc.
Le film commence avec des scènes d’Afrique filmées et projetées sur une toile en fond, donnant la curieuse impression que les protagonistes blancs, Jane et son père, sont là devant un étal s'apprêtant à faire leur marché, ou à regarder un spectacle de foire. C'est ce qui va se passer pour nous spectateurs, nous allons voir des superpositions, des strates.
Dès le début de l’expédition, aux décors peints s’ajoute l’imprécision des bords de l’image elle-même, ses contours un peu flous, une forme de dissipation, comme si la limite entre le film et l'écran n'était pas nette et s'estompait. Une invitation à la confusion.
Les projections en surimpression derrière les acteurs, les prises de studio, les images de documentaires, les décors en carton-pâte, les fonds peints, les faux arbres, les fausses oreilles des éléphants (de grosses oreilles parce que ce sont des éléphants d'Asie et qu'il faut leur conférer une africanité), les faux singes (les humains déguisés) jouant avec des vrais chimpanzés, la tribu des nains peints en noir pour représenter une tribut de pygmées : le film déploie toute une esthétique du faux, du rapiéçage, du patchwork, de l’hétérogène, de la conjointure, de l’hybridation, de la bizarrerie, du vrai/faux — ce que Frankenstein ou Island of lost soul, sortis presque en même temps explorent également. Comme la métaphore de ce qui doit composer avec ses singularités et faire bonne figure, en dépit de toute vraisemblance, pour atténuer ses aspérités. Chef d’œuvre.