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jeudi 15 août 2024

John Ford, The Lost Patrol, 1934

Des soldats, échoués dans une oasis en plein désert de Mésopotamie, après la mort de leur chef, attendent, affrontant un ennemi invisible. À partir d’une situation minimale, d’un seul lieu et de quelques motifs : l'angoisse, la soif, la raréfaction de l’espoir et des cigarettes, John Ford réalise un grand film de guerre sans combat (et un récit allégorique qui est une sorte de matrice de la Quatrième dimension), captivant de bout en bout et preuve encore de ce que le génie de Ford s'est manifesté bien avant Stagecoach.



dimanche 26 mai 2024

Jean-Luc Godard, Film annonce du film qui n’existera jamais : "Drôles de Guerres", 2024

Ce film (sous cette forme d'esquisse) a reçu l'imprimatur de Godard — confondant l’étape d’un travail à l'œuvre elle-même et l'excluant ainsi de la catégories des œuvres inachevées (ne laissant rien à la décision d'un autre). Pour Godard, c’est une manière de parachever l'œuvre complète, dans une restriction technique, qui est à la fois une poursuite de son travail de collage/montage et une superposition à la technique finale d’un autre grand artiste du XXe, les papiers découpés de Matisse.

Le film est composé en grande partie d'un feuilletage de montages d'images et de textes, silencieux puis musical — dont s’extraient quelques motifs : les cartons de cinéma, les monochromes d'Alphonse Allais et ceux de l'abstraction.

Tout aussi hermétique que le précédent Livre d’image, "Drôles de Guerres" n’en a pas l’âpreté, déployant au contraire une certaine douceur. D'une grande puissance d’émotion. Magnifique point presque final.




Rabah Ameur-Zaïmeche, Le gang des bois du temple, 2022

Film de braquage — ou qui utilise la structure d'un film de braquage, les séquences de film de genre proprement dit n'intéressent pas la réalisateur autrement que parce qu'elles lui fournissent une structure ; son attention se porte sur les interstices (narratifs et géographiques) de la trame : aires d'arrêt d'autoroute, PMU, discussions informelles, etc.

C'est un film de mecs (le seul personnage de femme est raté).

Le film est encadré de deux très belles séquences musicales : dans la première, Annkrist, le visage ridé, chante dans une église lors d'un enterrement ; dans la seconde, un prince saoudien danse, lors d'un concert. Deux folklores. D'une Bretagne de la célébration des morts au Magrebh d'une célébration des vivants. Ameur-Zaïmeche dessine une continuité entre les territoires que la France s'est agrégée.

C'est au final une sorte de conte étrangement articulé, entre scènes très justes et belles et d'autres bancales — comme un mélange bizarre entre Pialat et les Pieds-Nickelés de Forton.

jeudi 9 mai 2024

Archie Mayo, Petrified Forest, 1936

Dans le désert de l'Arizona, une station essence-épicerie-snack tenue par trois membres d'une même famille : le grand-père, le père et la fille. Surviennent un écrivain hobo, un couple de bourgeois et leur chauffeur et une équipe de bandits.

Le film est constituée de deux parties égales en temps : la mise en place et sa résolution —, la première est la plus passionnante, la deuxième ne faisant qu'effleurer les possibilités promises. C'est un huis-clos ouvert, à travers ses grandes fenêtres vitrées, sur le désert (magnifique), qui sert l'évocation d'une mythologie des États-Unis : virevoltants, base-ball, pionniers, Billy the kid, premier télégramme, etc. En contrepoint un ailleurs évoqué, fantasmatiquement meilleur (la France, François Villon et la cathédrale de Bourges). Il y a une typicité très marquée des personnages, comme dans une bande dessinée C'est le premier rôle important pour Bogart.

Petrified Forest est un film unique, merveilleux.



samedi 25 novembre 2023

Yôji Yamada, Kazoku, 1970

La famille Kazami, quittent la petite île d'Iōjima, à Nagasaki pour pour s'installer comme paysans à Hokkaido.

Le film couvre son voyage depuis leur île, les ferrys, les trains, les escales à Osaka et Tokyo jusqu'à leur installation à Hokkaido.

Le voyage est parcouru d’événements anecdotiques émouvants : l'enfant à la gare, la berceuse Shimabara (島原の子守唄), la beauté des paysages par la fenêtre du train et d'autres tragiquesMais rien ne parvient à démobiliser entièrement cette famille pauvre, catholique et assaillie par le drame. C’est une des gageures du film de ne pas s’appesantir et de montrer, ce qu’on appelle aujourd’hui la résilience, sous un jour furtif.

Le film a valeur de témoignage par ce qu’il montre d'un Japon en partie disparu (1970, l’Exposition universelle).

Outre Chieko Baishô, on trouve un autre habitué du cinéma de Yôji Yamada : Chishū Ryū. La musique de Masaru Sato (une musique de western, de veillée funèbre mexicaine) est remarquable.

Un grand film, sur l'exil, la famille, la douleur — entre drame social, film de train, film familial, film populaire et cinéma d'auteur. 






mercredi 22 novembre 2023

Yôji Yamada, Les mouchoirs jaunes du bonheur, 1977

Un homme larguée par sa copine, quitte son travail, achète une Mazda rouge, prend le ferry pour Hokkaido. Là-bas il rencontre une femme trahie par son amant, il lui propose une escapade. Sur une plage de la mer d'Okhotsk, ils croisent un homme qui sort de prison et dont on apprendra qu'une femme l'attend peut-être. Deux couples donc, l'un qui se forme, l'autre en attente, une désinvolture timide et maladroite d'un côté, une tragédie de l'autre. C'est un beau film de route, dépaysant, à la fois drôle et profondément émouvant — qui donne envie de partir à Hokkaido, dormir sur des futons dans des hôtels et manger des ramen. 





 

jeudi 16 novembre 2023

Lars von Trier, Dancer in the Dark, 2000

Dancer in the Dark convoque chant, musique et danse et un ensemble de procédés de construction, des ellipses dans le récit, des ellipses de vraisemblance, tous moyens utilisés pour faire advenir dans le temps de la représentation la situation voulue — tous éléments repris de la tragédie grecque ; Dancer in the Dark c'est une pièce d'Euripide au vingtième siècle.

Dans la vie réelle, les innocents comme Selma sont condamnés à mort.

Vingt ans après sa sortie, le torrent émotionnel s'est un peu asséché, mais la perfection technique, rythmique est intacte, Dancer in the Dark reste un grand film, une grande comédie musicale, un grand mélodrame, une grande tragédie sur le destin. Bjork en mère, aveugle, malmenée et Catherine Deneuve en avatar des films de Demy sont parfaites.



jeudi 9 novembre 2023

Clint Eastwood, The Gauntlet, 1977

The Gauntlet est un film de route : un flic est chargé de convoyer une prisonnière (et c'est un piège). La route, le duo improbable, l'hôtel, les motards, le désert, la traversée d'un fourgon sous les tirs, etc. C'est riche narrativement, ça ressemble à une bande dessinée, les scènes sont très visuelles. Un excellent film de Clint Eastwood.



mercredi 8 novembre 2023

Sam Peckinpah, The Getaway, 1972

Film de route après un casse. The Getaway est le récit d’une chute. Une allégorie ponctuée par une pastorale et l’ensevelissement sous une montagne d’ordures des « héros ». Entre les deux, on aura vu les états les plus méprisables de l’humanité : les hommes sont violents, stupides, faibles, ils méprisent les femmes, les femmes sont prêtes à suivre n’importe quel meneur de danse viril. The Getaway est grotesque, élégant, narrativement dense, rythmiquement, chromatiquement, photographiquement sophistiqué et presque sans y toucher, ce qui est une autre manière d’être élégant.




mardi 7 novembre 2023

Michael Cimino, Thunderbolt And Lightfoot, 1974

Clint Eastwood et Jeff Bridges en duo formé accidentellement, le premier fuyant des ennemis, le deuxième cherchant une manière désinvolte de se réaliser. C'est un film de route, traversé par un casse et des scènes à l'apparence anecdotique dans la construction mais extrêmement marquantes et qui dessinent dans le récit principal (le western) un récit de l’Amérique des années 70. C'est un film traversé par une curieuse insouciance mélancolique et grave. Le premier film de Cimino et un grand film.



mercredi 1 novembre 2023

Vincente Minnelli, The long, long Trailer, 1954

Les déboires sur la route d'un jeune couple et de leur immense caravane. Un film merveilleux, à la fois d’une grande légèreté comique et d’une dubitation amusée et cinglante de l’American way of life. La photographie est de toute beauté (le film a été tourné en ansco color, ce qui lui confère cette douceur pastel si singulière), comme la composition des plans (notamment les arrivées dans les campings ou dans la famille de Tracy) qui évoque des dioramas Mattel parfaits. Un film pas du tout mineur de Minnelli, assez proche de Tati, ou d'une version mais soustraite de violence du Week-end de Godard, avec les deux acteurs de I love Lucy. Un film merveilleux à voir absolument.



mardi 31 octobre 2023

Douglas Sirk, Written on the Wind, 1956

Une femme dont deux hommes s’éprennent, et la sœur de l'un d'eux : trio ou quator amoureux, différence de classes sociales, virilité suspendue, alcool et tragédie.

Written on the Wind est éblouissant dans sa photographie, ses couleurs, dans la composition de ses plans, dans ses cadres, dans son grain, dans sa lumière, dans le mouvement de ses acteurs, dans sa chorégraphie. Il est formellement tellement sophistiqué, tellement extraordinaire qu’il contraint le spectateur à un regard dédramatisé, c'est un mélo, mais un mélo qui tient à distance émotionnelle le spectateur, fasciné par ce qu'il voit.

Dorothy Malone et Robert Stack sont magnifiques, reléguant Rock Hudson et Lauren Bacall au second plan. Tout est parfait dans ce film, de la séquence d’introduction en voiture, à la métaphore phallique finale. Un chef d'œuvre.

 


 


mardi 4 juillet 2023

Lothar Rübelt, Mit dem Motorrad über die Wolken, 1926

Un voyage en moto dans les Dolomites, en 1926. C'est un des premiers road-movies. La photographie est magnifique et les paysages filmés sont magnifiques. Il y a une utilisation de filtres chromatiques qui singularisent les différentes séquences du film. Mais indépendamment de ses intérêts technique et artistique, le film vaut comme le témoignage d'un temps révolu et singulier entre l'essor de la locomotion mécanique individuelle (l'industrie de la moto commence au début du siècle) et avant le tourisme de masse. Un western à moto sans autre action que le déplacement sur des routes de montagnes vides, sans voiture, sans personne, un paradis perdu. C'est un moyen métrage documentaire muet de 46 minutes qui mérite une autre place dans l'histoire du cinéma.


 





mercredi 21 juin 2023

Sam Hargrave, Tyler Rake 2, 2023

Film d’action ultra spectaculaire, avec un plan séquence hallucinant (encore plus improbable que celui du 1). Le scénario n'a pas d’intérêt mais la maîtrise technique du film a poussé le curseur tellement loin que ça n’a pas d’importance. Un très grand film daction. 

samedi 22 avril 2023

William A. Wellman, The Ox-Bow Incident, 1943

« La foule est toujours une preuve de la plus mauvaise cause. »


Pour chacun des westerns qu’il a tournés, Wellman a utilisé une forme singulière Westward the Women raconte le déplacement d'un groupe à travers les États-Unis, Across the Wide Missouri est une exploration des paysages, Yellow Sky est un récit sur le plane et l'angulaire dans une ville morte. The Ox-Bow Incident est un western immobile : des hommes accusés d’en avoir tué un autre sont jugés par un tribunal de fortune. C’est un film de procès, en extérieur, une veillée douloureuse — qui parle d’injustice, de pouvoir, de pulsion de vengeance, des a priori, de la rumeur, de la manipulation des foules. La photographie est magnifique. Un des (nombreux) chefs d'œuvre de William Wellman.




jeudi 20 avril 2023

Kim Ki-Young, La servante, 1960

Classique du cinéma coréen et matrice de Parasites. Un couple embauche une servante pour les aider et qui va peu à peu se substituer à la femme et tuer tout le monde. La photographie , les plans, la musique sont magnifiques, le film est un peu hystérique mais c'est très beau, singulier, audacieux et dévastateur.

samedi 8 avril 2023

Eugène Lourié, The Beast from 20000 fathoms, 1953

Le film annonce Godzilla qui sortira l’année suivante. Il vaut surtout pour les séquences d’animation de Ray Harryhausen. La photographie est belle et la scène finale avec ce manège en maquette, le monstre dans les flammes qui réassigne les acteurs au sol à des soldats de plomb est magnifique.















 

jeudi 6 avril 2023

Ida Lupino, The Hitch-Hiker, 1953

Deux hommes prennent en stop un tueur. Le film est le trajet jusqu’à son arrestation par les flics. Ce tueur acharné a une particularité physique : un œil de verre gardé toujours ouvert qui empêche ses otages de savoir s'il dort ou s'il les surveille. C'est une remarquable série b, sur la route, sèche, linéaire sans digression, avec une belle photographie du désert du Mexique et cet homme écoutant à la radio le récit de sa propre traque afin d'y échapper.


mercredi 5 avril 2023

René Clair, Paris qui dort, 1925

Le gardien de la tour Eiffel se réveille et constate que toute la ville s'est figée. Il rencontre quatre personnes, qui comme lui ont échappé à la paralysie, ils vont observer Paris et ses passants immobiles : un voleur poursuivi par un policier, les clients d'un dancing, un homme sur le bord de la Seine, etc. C’est d’abord une balade dans Paris vide et dans les années 20. Il y a de belles scènes de vertige sur la tour elle-même, des effets (le figement et le redépart des actions), une scène d’animation pour expliquer la nature de la paralysie. Un grand film de science fiction (qui aura marqué Chris Marker (La jetée) et Godard (Sauve qui peut (la vie)).



jeudi 23 mars 2023

William A. Wellman, Yellow sky, 1948

Après un casse, des cow-boys pourchassés traversent un désert et débarquent dans une ville fantôme. La ville n'est pas tout à fait vide, une jeune femme et son grand-père, chercheurs d’or y ont établi résidence. Le film articule ces deux lieux : le désert plan (l'épreuve du soleil, de la soif) et son contrepoint architectural, angulaire (la ville fantôme mais dans lequel on trouve de l'eau, de l'or et une jeune fille). La caméra utilise l’intérieur de la maison comme axe et point de vue de manière presque domestique, comme un pivot. Un très grand western atypique, sur l'épreuve, le manque et le désir.

Star Wars : Skeleton Crew, 2024

Quatre enfants d'une banlieue pavillonnaire embarquent accidentellement dans un vaisseau qui les emmène loin de chez eux. Les voici donc...