samedi 13 décembre 2025

Bi Gan, Resurrection, 2025

Le film s’ouvre sur une salle, un décor, une pellicule, une citation de L’Arroseur arrosé : annonce d’un film méta. Suivent les incarnations d’un même personnage, le révoleur, dans diverses séquences : la prison, le temple, l’arnaqueur, l’amoureux et la vampire.


Dans la troisième partie est révélée l’astuce, si décevante, qui permet à un enfant de deviner une carte lors d’un tour : dédouanement et aveu de l’esbroufe du film. Le dernier segment — les docks et le karaoké —, avec son plan-séquence, est la seule partie qui propose quelques images.


Sorte de Sullivan’s Travels chinois du XXIᵉ siècle, ce film abscons et prétentieux, visuellement affreux, use d’analogies lourdes et lorgne davantage vers Cloud Atlas que vers les Histoire(s) du cinéma. Il confirme, après Sirât et Un simple accident, l’aveuglement du jury de Cannes 2025, qui confond le cinéma avec une idée de la morale. Résurrection ne produit aucune renaissance, mais s’aligne sur les images de l’IA — ce qui constitue sans doute une manière d’être contemporain.

vendredi 12 décembre 2025

Jean Renoir, Les bas fonds, 1936

Adapté d’une pièce de Gorki (qui venait de mourir) — et dont Kurosawa fera, vingt ans plus tard, lui aussi une adaptation. On peut se demander ce qui a bien pu séduire ici les deux réalisateurs. C’est Renoir qui s’en sort le mieux, de loin.

Une pseudo-Russie où l’on parle français, où les personnages portent des noms russes et paient en roubles ; une pension de famille pour désoeuvrés qui tient de la cour des miracles ; une aspiration à s’évader de la misère ; un trio amoureux sur fond de déchéance aristocratique. 

Restent quelques scènes ou plans, témoins du talent de ses interprètes et de son réalisateur : l’intrusion de Gabin chez Jouvet, les monologues de Le Vigan, et quelques secondes saisies dans un encadrement.

jeudi 11 décembre 2025

Jalmari Helander, Sisu 2, 2025

Sisu 2 perd un peu en linéarité avec sa structure en deux temps, et son personnage mutique délègue en partie les coups et les sursauts à des prothèses mécaniques. Mais la formule reste la même, une bande dessinée d’action ultra-sanglante, doloriste, jusqu’au-boutiste, inventive, drôle et même émouvante dans son final, comme si cette figure christique, outrancière, de la résilience parvenait encore à nous offrir un support d’identification.


mercredi 10 décembre 2025

Renoir, la grande illusion, 1937

Structurée en trois parties ascendantes, de la promiscuité à la solitude (la caserne, le château, les alpages), La Grande Illusion met en scène quelques-uns des thèmes fondateurs de la littérature et de l’art (la fraternité, le sacrifice, la guerre, l’amour) ; il évoque aussi plus anecdotiquement des thématiques à la résonance contemporaine : le trouble du travestissement et le véganisme.

Porté par des typologies très marquées : la gouaille (Carette), la retenue (Stroheim), le populaire (Gabin), la distance aristocratique (Fresnay), c’est, avec Le Trou et Un condamné à mort s’est échappé, un des plus grands films d’évasion (et français).

Un chef-d’œuvre émouvant, humaniste et technique — remarquable par sa mise en scène et sa photographie.


lundi 8 décembre 2025

Mamoru Oshii, L’œuf de l’ange, 1985

Dans un monde en ruines, sans habitants, une jeune fille protège un œuf. Elle rencontre un homme qui la met en garde sur l’attention constante qu’elle doit lui accorder. Il parle du déluge. Des ombres de baleines font surgir des pêcheurs fantômes. Puis il casse l’œuf.

Principalement muet, ce conte noir — dont les références proviennent plus du romantisme occidental des ruines que du post-cataclysme japonais — parvient à éviter les écueils de ce type de récit cryptique et symbolico-religieux par sa puissance visuelle et sonore.

Un des premiers longs métrages du réalisateur de Ghost in the Shell et d’Avalon.

Isao Takahata, Mes voisins les yamada, 1999

Nonoko est oubliée sur un banc ; les balles des enfants restent de l’autre côté de la barrière : qui range la maison ?

Adapté du yonkoma de Hisaichi Ishii, Mes voisins les Yamada se distingue des productions phares du studio Ghibli par son graphisme esquissé, aquarellé et sa thématique du quotidien.

Cette succession de tranches de vie aborde, sous un couvert plutôt drôle, des problématiques comme celle qu’on appelle aujourd’hui la charge mentale.

Une réserve : certains accompagnements au piano prennent trop de place, comme si la musique cherchait à combler un vide que l’épure du dessin n’appelle pas.

dimanche 7 décembre 2025

Derek Jarman, Wittgenstein, 1993

Il y a là la tentative de réaliser le biopic d’un philosophe (et spécialement de Wittgenstein), et avec un défaut manifeste de moyens : fond noir, rares éléments de décor, vêtements très colorés. On pourrait saluer une sorte d’essence de la mise en scène, un retour aux origines foraines du cinéma. Mais on peut aussi ne pas s’enchanter devant cet académisme compassé, caricatural. Rien ici ne restitue la puissance poétique des textes de Wittgenstein, dont Jarman propose une lecture personnelle – pour ne pas dire à contre-sens –, un peu comme ces représentations burlesques des pièces de Beckett. Autoportrait par Wittgenstein, navet queer-arty-intello, plus que chant du cygne flamboyant.


samedi 6 décembre 2025

Fabrice Éboué, Gérald le conquérant, 2025

Reprenant le procédé du mockumentary et les regards caméra de The Office, déjà brillamment exploités dans Inside Jamel Comedy Club, Fabrice Éboué les applique ici au récit d’un furieux dingue qui veut créer un parc identitaire avant de basculer dans le terrorisme. Malgré l’intention salutaire de renvoyer tout le monde dos à dos, cette comédie mal écrite n’est jamais drôle : le premier ratage total de Fabrice Éboué, autrement mieux inspiré dans ses films précédents et dans sa brillante série.

vendredi 5 décembre 2025

Reedland, 2025

Les marais, une communauté, le meurtre d’une jeune fille. Polar étrange sur le désir des hommes – dont l’un va s’incarner dans le crime, l’autre se contenir et chercher, dans la dénonciation du premier, une tentative vaine d’exutoire.

Le film lorgne parfois vers le cinéma de Dumont (le Nord).

La photographie et le travail sonore – quelque part entre Francisco López et les drones atmosphériques du cinéma de Lynch – sont magnifiques.

Il y a quelques incongruités scénaristiques (à la limite du fantastique) et certains éléments sont sans doute trop appuyés ou trop ténus (la manière de rétorquer, la vengeance trop faible, le sort réservé au cheval), mais c’est l’un des meilleurs films de l’année, l’un des plus originaux.

mercredi 3 décembre 2025

Gremillon, Gueule d’amour, 1937

Deux villes : Orange, Paris ; une certaine typicité ; une galerie de personnages ; des acteurs admirables, dont Gabin et Mireille Balin, et une histoire d’amour — sur fond de différences de classes sociales et d’un certain idéalisme. Comédie qui se finit dramatiquement, Gueule d’amour est une démonstration de génie de la réalisation — à partir d’un canevas insignifiant.

mardi 2 décembre 2025

David Mackenzie, Relay, 2025

Dans le genre thriller, série B mélancolique et tendue, à New York où deux solitudes se frôlent, Relay est plutôt plaisant : les acteurs sont bons et la réalisation est fluide — jusqu’à un moment du récit, un retournement de situation en dépit de tout ce qui avait été mis en place. Un film, en quelque sorte, post-factuel, post-cumulatif, cas d’école de la négligence et du foutage de gueule scénaristique.

dimanche 30 novembre 2025

Herzog, Fata morgana, 1971

La réalisation n’est pas à la hauteur de ses images : ses images d’éléments brouillés par la chaleur, en suspension (ont-elles marqué Lucas quand il a fait Star Wars ?), ses travellings et son acte 3 kitsch et inventif. Les parties 1 et 2 sont trop peu distinctes, il y a des images-scories inutiles, et il y a surtout — outre le choix des musiques totalement inadapté — un problème de son, de prise de son, de grain et de beauté de la voix, et de répartition du texte ; ce texte-là devrait nous emporter et il nous laisse constamment en retrait. Par ailleurs film est déplaisant dans sa complaisance à montrer la maltraitance animale. Un grand film raté.

Conversation secrète, 1974

Le début du film, composé de deux ballets étranges (le parc, l’atelier) est très beau, la deuxième partie s’étire en une sorte de thriller paranoïaque nonchalant. Un film plastiquement, sonorement très réussi, narrativement décevant.

samedi 29 novembre 2025

Hsiao-Hsien Hou, Le jardin de grand-père, 1984

Deux enfants de Taipei passent, alors que leur mère est malade, un été à la campagne chez leurs grands-parents. Un regard depuis l’enfance pour aborder l’enfance et d’autres questions : maternités, larcin, accident, etc. Une belle chronique d’un été par un cinéaste majeur.

vendredi 28 novembre 2025

La femme la plus riche du monde, 2025

L’interprétation de laurent Lafitte est assez enthousiasmante. Mais cette farce, dépourvue de toute idée de mise en scène est — et malgré son rythme enlevé, ennuyeuse — délitée rapidement, en un interminable fade-out.

jeudi 27 novembre 2025

Ozu, Fin d’automne, 1960

Fin d’automne reprend l’argument de Printemps tardif (1949), dans lequel Setsuko Hara interprétait le rôle de la jeune fille et Chishū Ryū celui du père ; ici ils incarnent respectivement ceux de la mère et l’oncle. Le récit est le même : l’émancipation de l’enfant restant une fois que son parent est veuf, mais cette fois encouragée, par un trio d’amis, maladroits.

Un film émouvant dont la forme peut sembler moins ostensible que dans d’autres d’Ozu ; mais les ballets fugaces des mollets, les traversées en arrière plan du champ, les mouvements des pipes, sont très beaux. Et ces intérieurs, à ras de tatamis, où se téléscopent des codes sociaux et des cultures, donnent envie de s’y allonger et d’y habiter .

Yórgos Lánthimos, Bugonia, 2025

Cuivres grandiloquents pour appuyer ce que ne souligne pas la dramaturgie. La partie principale, Emma Watson, crâne rasée, ensuite de vaseline, torturée, est ennuyeuse. Les départs en vélo de Jesse Plemons me donnait l’impression fugace de regarder un film de Quentin Dupieux. Bugonia est moins antipathique que les précédents films de Yórgos Lánthimos, certes. La fin est amusante mais tout ça pour ça ?

mardi 25 novembre 2025

Eric Besnard, Jean Valjean, 2025

Il faut du temps pour rentrer dans ce film, théâtral, artificiel, trop déférent vis-à-vis du roman.
 La partie centrale, dans la carrière de marbre est la plus réussie — la beauté chromatique y est pour beaucoup (c’est le troisième film de l’année après The Brutalist et L’inconnu de la Grande Arche à s’y dérouler partiellement). 
Des acteurs, c’est Isabelle Carré qui s’en sort le mieux ; l'interprétation de Jean Valjean, taiseux contenu, n'est pas vraiment convainquante et celle de la bonne de l'évêque, catastrophique. 
Pour le reste, pourquoi avoir choisi cet épisode ? d'autres sont infiniment plus cinématographiques.
 L’adaptation des Misérables est un genre cinématographique en soi, et un genre difficile.

lundi 24 novembre 2025

Yasujirō Ozu, Bonjour (お早よう, Ohayō), 1959

Commérage, occcidentalisation et début de la société de consommation au Japon dans les années 50.

Alors que des soupçons d’une appropriation des cotisations par la présidente de l’association de quartier (afin de s’acheter une machine à laver) viennent suciter la méfiance chez les commères, deux enfants, agacés des codes sociaux et de ne pas avoir de télévision chez eux, entament une grève de la parole.

Comédie subtile — dont les plans évoquent l’abstraction géométrique et les compositions de Mondrian — au ton tatiesque.

Alain Cuny, L’annonce faite à Marie, 1991

Comment transposer la pièce de Claudel à l’écran. Une composition picturale, sophistiquée des images, une désynchronisation des acteurs et des voix, et des plans intercalaires sur la nature. Un film hors du temps majeur, par un jeune cinéaste de 80 ans.

Bi Gan, Resurrection, 2025

Le film s’ouvre sur une salle, un décor, une pellicule, une citation de L’Arroseur arrosé : annonce d’un film méta. Suivent les incarnation...