lundi 3 février 2025

David Lynch, Twin Peaks : Fire walks with me, 1992

Prologue à la série, Twin Peaks: Fire Walk With Me en révèle en même temps prosaïquement le mystère. C’est sa limite : là où la série nous entraînait vers des contrées étranges et mouvantes, le film ramène le fantastique labyrinthe des trois saisons à un drame sordide.

Reste pourtant quelques scènes d’une puissance inouïe : le début et la première enquête (le drame qui a précédé la mort de Laura Palmer), le message cryptique de Gordon, la démarche de Bobby imitée par d’autres dans la cour du lycée, et celle de l’ange — comme un écho à Sailor et Lula.

David Lynch, Une histoire vraie, 1999

 






Charles Schulz, Peanuts, août 1954. 

Un homme âgé, apprenant que son frère — avec qui il est fâché depuis dix ans — vient d’avoir une attaque, entreprend de parcourir les 500 km qui les séparent au volant d’un petit tracteur.

C’est un film de route à la vitesse de 7 km/h, ponctué d’incidents mécaniques et de quelques rencontres : une jeune fille enceinte qui veut fuir sa famille, des cyclistes, des pompiers, des quidams, un prêtre, etc.

À la fois contrepoids à Eraserhead et à sa représentation cauchemardesque de la famille, The Straight Story accorde une attention rare, chez Lynch, à des éléments souvent minorés dans ses autres films : un café, une bière, une cigarette, un feu, la beauté des champs, la pluie, le soleil, les paysages, l’Amérique des terres, la religion, la route qui défile.

Et tout cela entièrement défait du prisme de l’étrangeté, du fantastique, du mal, des distorsions temporelles ou picturales, et d’un fond sonore anthropique — à l’exception du vrombissement, paisible, d’un silo.

vendredi 31 janvier 2025

David Lynch, Blue Velvet, 1986

J’avais gardé en mémoire deux scènes de ce film : l’un des pétages de plomb de Dennis Hopper, dans une séquence d’une tension inouïe, et cette femme dansant longuement sur le toit d’une camionnette — il s’avère qu’il s’agit en réalité d’une voiture, et que la scène est extrêmement brève.

Je ne sais pas s’il faut interroger le fonctionnement de la mémoire ou la capacité du cinéma de Lynch à fabriquer des images qui se déforment.

Blue Velvet est un teen movie, marqué notamment par Hitchcock et ponctué de quelques bizarreries, qui deviendront la marque caractéristique de ses grands films. Blue Velvet vaut surtout, sans doute, pour ce qu’il annonce.

samedi 18 janvier 2025

Sean Baker, Tangerine, 2015

Le 24 décembre, une prostituée trans, tout juste sortie de 28 jours de prison, part à la recherche de son mec dans les rues de Los Angeles. Parallèlement, l’un de ses clients, chauffeur de taxi, la cherche, entre ses courses et repas de famille. Deux errances qui finissent par se croiser, dans un Los Angeles saturé de jaune.

Road-movie urbain un peu distendu, mais porté par une vraie énergie, un milieu singulier, une identité chromatique forte et quelques scènes remarquables — comme celle de l’Indien Cherokee dans le taxi.

Frank Dubosc, Un ours dans le Jura, 2025

Ce film repose sur un MacGuffin alléchant, mais qui, une fois l’amorce passée, ne semble plus vraiment intéresser Frank Ducosq : il y revient sporadiquement, comme à un fil conducteur un peu artificiel. Le véritable sujet du film, ce sont les relations distendues entre les personnages (couple, famille, paroissiens…), que ce MacGuffin va permettre de réactiver ou de consolider. L’ours ne sert qu’à fabriquer une intrigue sur les liens sociaux.

Le film a ceci de paradoxal : il fait tourner en sous-régime ses trois interprètes — Calamy, Dubosc, Poelvoorde — tout en s’éparpillant dans une multitude de sous-intrigues, dont aucune ne trouve vraiment d’issue ou d’aboutissement.

Un ours dans le Jura, que sa bande-annonce vendait comme un film de genre enneigé, cruel, à la Fargo, où des quidams se retrouvent piégés dans une situation trop grande pour eux ne tient pas sa promesse.

jeudi 16 janvier 2025

dimanche 12 janvier 2025

Christian Gudegast, Den of Thieves 2: Pantera, 2025

Excellent film de braquage — avec Gerard Butler. Le film n’est pas inventif, mais il est d’une efficacité remarquable : mise en scène, montage, musique, lumière, direction d’acteurs. Les scènes de braquage, les courses-poursuites et les fusillades ne laissent aucun répit et maintiennent le film sous tension. L’ambiance générale, le ton du film — tout est réussi.

vendredi 10 janvier 2025

Guillaume Nicloux, Sarah B la divine, 2024

Sarah B. la divine se concentre sur deux épisodes tragiques de la vie de Sarah Bernhardt : la perte de sa jambe et sa séparation de Lucien Guitry. Le personnage interprété par Sandrine Kiberlain est exubérant — mais, si l’on peut dire, de manière un peu outrancière.

C’est un film d’alcôve, sur la ménagerie animale et humaine qui entourait l’actrice. Sa construction comme sa reconstitution sont très classiques — pas ce que je préfère dans la filmographie du talentueux Guillaume Nicloux.

jeudi 9 janvier 2025

Clint Eastwood, Juré n°2, 2024

Un film de procès dans lequel un juré découvre qu’il est peut-être impliqué dans l’affaire. Un très beau film classique, au montage élégant — seul le personnage interprété par Kiefer Sutherland paraît un peu inutile. Rien, ici, ne trahit l’âge avancé de son réalisateur.

Koya Kamura, Un hiver à Sokcho, 2025

Un dessinateur français s’installe pour quelque temps dans une pension de famille à Sokcho, petite ville portuaire coréenne. Il loge dans l’établissement où travaille une jeune fille qui y fait la cuisine, et dont le père — qu’elle n’a pas connu — est lui aussi français. Une relation se tisse entre eux, à travers cette langue commune, entre dessin et cuisine.

Le personnage interprété par Rochdy Zem manque de finesse : il est caricaturalement artiste et français. Les liens et biographies des personnages sont abordés de manière très superficielle : on ne comprend pas bien le manque d’implication de cet homme, son refus de goûter la nourriture de la pension, ni certains éléments de la toile de fond du film, comme cette femme bandelée sortant de l’hôpital.

L’ensemble est ponctué de beaux dessins animés, dont la fonction narrative reste flous. Le film n’est pas dénué d’un certain charme, qui tient beaucoup à cette ville un peu triste. Il y a de très beaux plans sur la préparation du fugu, dans les maisons coréennes ou dans la ville — mais qu’on aurait aimé voir davantage.

mercredi 1 janvier 2025

Hitchcock, Psychose, 1960

Les éléments horrifiques, dont je me souvenais et qui avaient contribué à la surprise et à l’effroi du premier visionnage, sont presque entièrement neutralisés à la deuxième séance. Ce qui frappe désormais, c’est la précision et la justesse de la réalisation, le générique de Saul Bass, la musique de Bernard Herrmann, les deux acteurs principaux fascinants, la photographie, la tension constante, et cette composition étrange avec prologue et double enquête.

Un vrai chef-d’œuvre, pour le coup, prototypique — comme beaucoup de films d’Hitchcock, qui fut à la fois un immense réalisateur, prolixe, et inventeur de formes matricielles du cinéma.

lundi 30 décembre 2024

Robert Stevenson, The island at the top of the world, 1974

Quelque part entre Jules Verne et Karel Zeman, cette aventure au bout du monde vaut surtout pour ses décors, son ballon et quelques belles scènes. Mais l’ensemble manque de tension, surtout à partir de l’arrivée chez les Vikings.

lundi 23 décembre 2024

Sean Baker, Anora, 2024

Un très long fade-out : de l’euphorie à la remise en place sociale amère d’une jeune strip-teaseuse dont s’éprend un jeune garçon favorisé. Le film est structuré en séquences, chacune associée à un lieu et à une tonalité : la boîte de nuit, l’euphorie et la désinvolture ; la maison, le rappel à l’ordre ; la ville, la recherche et l’errance ; le tribunal, l’annulation du mariage, etc. Le film est distendu et, malgré la variété de ses registres, reste dépourvu d’aspérités. Mikey Madison est géniale. Un bon film, mais pas au-delà.



dimanche 22 décembre 2024

Superstore, saison 1, 2015

Le quotidien d’employés d’un supermarché de la chaîne fictive Cloud9. La série n’a pas la finesse ni la charge de The Office, à laquelle elle ressemble par son sujet et l’utilisation de plans de vacance entre les scènes proprement dites (et dont certains sont les vraies réussites de la série). Tout y est plus caricatural, et pourtant moins outrancier, l’apparentant plutôt à une version live des Simpsons ou d’American Dad.












Jacques Tourneur, Out of the past, 1947

Un détective est engagé pour retrouver une femme enfuie et tombe amoureux d’elle. Il y a un équilibre formel dans le film qui tient à sa photographie, aux prises de vue, à l’alternance des tonalités des plans, à leur durée, à la répétition des scènes de lisière qui montrent l’extérieur par les fenêtres, etc.

Sa perfection structurelle et rythmique le rapproche d’un autre film, pourtant bien différent, mais qui met aussi en scène un personnage aux aguets : AlienOut of the Past est à la fois l’archétype absolu du film noir et l’une de ses réussites formelles les plus manifestes. Un film obsédant, majeur.











Josef von Sternberg, The Shanghai Gesture, 1941

Un casino, dont on vient signaler à sa tenancière — la très sophistiquée Mother Gin Sling — qu’elle devra le fermer quelques semaines plus tard. Le mouvement du titre, c’est celui de la ville, carrefour cosmopolite vénéneux (jeu, drogue, alcool, prostituées), et celui de la caméra lorsqu’elle appréhende l’arène circulaire concentrique du casino, ainsi que sa galerie de personnages.

The Shanghai Gesture est moins réussi que Shanghai Express. Le drame familial qui le sous-tend, et fait coïncider la petite histoire aux mouvements du monde, reste un peu artificiel. Mais le décor, les personnages, l’ambiance, la photographie, et quelques scènes de toute beauté suffisent à faire de ce film un objet magnifique




 


Mark L. Lester, Commando, 1985

John Matrix a 11 heures pour sauver sa fille des griffes du général Arius. Arnold Schwarzenegger traîne ici quelques expressions faciales tendues et approximatives, comme des résidus de son rôle de Terminator — mais mais équilibrées par que sa sculpturale beauté. Les seconds rôles — Bennett, en côte de maille improbable, et l’opportune Cindy — complètent la distribution de ce film aussi fluide que réjouissant dans son enchaînement narratif pourtant incongru. Très drôle, spectaculaire, Commando réussit l’exploit d’être à la fois parodique tout en prenant son registre d’action au sérieux.







samedi 21 décembre 2024

Star Wars : Skeleton Crew, 2024

Quatre enfants d’une banlieue pavillonnaire découvrent un vaisseau spatial enfoui qui les propulse accidentellement à l’autre bout de la galaxie. Les voici donc tentant, tant bien que mal, de rentrer chez eux. Ils sont accompagnés dans leur quête par un pseudo-Jedi (Jude Law). Chaque épisode les confronte à une nouvelle planète et de nouveaux dangers. Le premier épisode évoque un fantasme de geek : un mash-up entre Star Wars et Les Goonies. La suite est une série enfantine, narrativement très simple, anecdotiquement plaisante.



mercredi 18 décembre 2024

Ridley Scott, Gladiator II, 2024

Il faut d’emblée accepter des CGI qui ne cherchent pas le réalisme : ils sont là pour représenter, comme des cercles peuvent figurer des têtes en bande dessinée. Une fois cette convention $ — un peu kitsch — admise, Ridley Scott nous embarque dans un récit visuel virtuose et parfaitement mené, qui rappelle à quel point il reste un immense réalisateur. On peut lui préférer ses chefs-d’œuvre des années 1970-80, mais il n’a clairement pas renoncé — ni à la mise en scène, ni au cinéma comme puissance narrative.

mardi 17 décembre 2024

Silo, 2023

Dix mille humains vivent retranchés dans un silo, socialement stratifiés, observant le monde extérieur — toxique et désolé — à travers un unique hublot. Des reliques du monde d’avant circulent, certaines tolérées, d’autres interdites. La série débute comme une chasse au trésor claustrophobe, centrée sur l’exploration des profondeurs inconnues de la structure, avant de bifurquer vers une enquête policière et le dévoilement progressif d’un complot. La saison 2 articule plus nettement ces deux trames, mais c’est l’exploration des silos par Juliette Nichols (Rebecca Ferguson) qui demeure la plus captivante.



Danny Boyle, 28 ans plus tard, 2025

Il y a une certaine tension au début du film, les images alternent de la plus réussie à la plus laide, comme les effets multicaméra, du ridi...