Sous le régime de Vichy, en Martinique, un homme (Humphrey Bogart) loue son bateau pour des parties de pêche à des clients américains. Il rencontre une jeune femme qui fuit quelque chose. Un jour, on lui propose d’aller chercher des résistants français sur une île.
Le scénario (de Faulkner, d’après Hemingway) n’est pas extraordinaire, le jeu de Lauren Bacall n’est pas juste, et pourtant Hawks a réussi un film presque parfait à partir d’éléments sur lesquels il aurait été difficile de parier isolément.
L’ambiance du film est magnétique : l’exotisme insulaire, l’indolence portée par les mélodies d’Hoagy Carmichael, le piano-bar, l’omniprésence du tabac — troublée par quelques éléments légèrement inquiétants (la traversée en bateau, l’île du Diable) ou gestes incongrus (Bogart désignant les cigarettes à Bacall).
C’est l’émulsion créée par Hawks qui fait de ce film un grand film : les personnages, l’amitié indéfectible de Bogart pour un marin alcoolique dont il s’occupe, la naissance d’un amour, la beauté magnétique de Dolores Moran, les scènes dans le piano-bar avec Hoagy Carmichael jouant Am I Blue — parfois accompagné d’un petit orchestre, parfois de Bacall —, la traversée en mer pour aller chercher les résistants français sur l’île du Diable… Tout cela crée une atmosphère insulaire, exotique, portée par une certaine désinvolture.
On lit parfois que ce film vaut pour la rencontre Bacall/Bogart ou comme un remake de Casablanca. C’est vrai, mais c’est bien au-delà de tout cela.
To Have and Have Not — dont je préfère le titre français, Le Port de l’angoisse, trompeur mais plus adéquat, lui donnant un côté série B — est l’un de mes films préférés de Hawks.

