vendredi 15 novembre 2024

Quentin Dupieux, Le deuxième acte, 2024

Quentin Dupieux est prolixe et sa relecture du cinéma de genre me semblait — jusqu'à Au poste — passionnante, mais ce sont plutôt ses structures à enchâssement dont il semble faire la marque caractéristique désormais de son cinéma.

Le film est construit sur une série de travellings (on en verra les rails à la fin du film), mettant en scène quatre comédiens, dans différentes combinaisons.

Plusieurs fictions s'entremêlent, dont l'une d'elles les met en scène dans des rôles qui jouent de la confusion avec ce qu'ils sont dans la (vraie) vie. Le propos du film est un peu nébuleux, et les différents discours qui construisent ces scènettes, banals : les acteurs jouent un rôle, la société va mal, et le cinéma n'y peut pas grand chose… S'y ajoutent quelques touches sur l'IA et le consentement — mais qui donnent plus l'impression de ne pas vouloir passer à côté de certains sujets actuels que d'avoir quelque chose à en dire.

Quelques scènes amusantes (lorsque Léa Seydoux appelle sa mère chirurgienne qui lui fait part de sa honte face à son jeu médiocre, et lui rappelle qu'elle n'aurait pas dû choisir cette voie, et lorsque le figurant essaie de demander leur 06 à Vincent Lindon et Raphael Queunard) sauvent un peu le film de son procédé et de notre ennui.

Le deuxième acte est une sorte de relecture structurelle, sèche, de Sullivan’s Travels — dont le réalisateur aurait disparu sous l'IA.



Quentin Tarantino, Pulp Fiction, 1994

La surprise que provoquait la chronologie non linéaire du film se dissipe nécessairement aux multiples visionnages, comme celle des tonalités qui composent ses différentes segments. Mais trente ans après, Pulp fiction reste un grand plaisir de cinéma, le meilleur film avec Réservoir dog, de son auteur.

Columbo and the Murder of a Rock Star (Jeux d'ombre), 1991

Un avocat tue sa compagne, une ex-rockstar et tente de faire accuser son amant. Le titre français dévoile la manière dont Columbo va prouver la culpabilité du meurtrier, en révélant l'astuce mise en place par l'avocat pour se disculper. C'est comme toujours la manière dont l'inspecteur piège le coupable plus que l'évidence du subterfuge qui est captivante, sa manière de surprendre le tueur et le spectateur par un pas de côté, fut-il énorme. Il y a dans la VF, des bruitages à un volume sonore disproportionné (le verre d'eau pendant le procès, et la chute des baies rouges) qui ajoutent à l'incongruité du récit. Un excellent Columbo — deuxième période, avec Shera Danese, comme alliée du méchant.


Bruno Podalydès, La petite vadrouille, 2024

Bruno Podalydès a déjà utilisé les étapes d'une circulation fluviale dans un film, l'un de ses meilleurs : Comme un avion — qui mettait en scène un canoéiste évoluant parmi les méandres d’une rivière et les habitants de ses berges. Cette redite du dispositif, en négatif, souffre de la comparaison, La petite vadrouille n'a pas le charme, la précision, l'inventivité du précédent, sa manière de créer un monde suspendu, bucolique. Il y a quelques belles idées dans La petite vadrouille comme cette troupe de branquignols malins qui se déplace à chaque écluse, incarnant toujours de nouveaux hôtes ou la balançoire sous un pont. Mais l'argument du film, amoureux est un peu lâche, et Bruno Podalydès a été mieux inspiré par le passé dans ses dialogues. 



mercredi 13 novembre 2024

Éric Judor, Problémos, 2017

Un couple et leur fille débarquent dans une communauté, qu'une pandémie va encore isoler un peu plus du monde. Robinsonnade survivaliste très drôle dont la fin s'étire un peu. 

Artus, Un p'tit truc en plus, 2024

Le film n'a pas d'ambition cinématographique, et n'est pas très drôle, il vaut surtout pour sa seule troupe des comédiens. Mais que dire d'un tel succès, et d'un film qui incite à ne pas singulariser la singularité ?


John Sherwood, The Monolith Monsters, 1957

Une série B de SF très typée année 50, une étrange pierre noire grossit au contact de l'eau et contamine ceux qui la touche, les pétrifiant. Quelques beaux plans de ces monstres monolithiques valent le coup d'œil sur ce film sympathique, mais ennuyeux, dépourvu de toute tension narrative.





mardi 12 novembre 2024

Michael Youn, BDE, 2023

Une vieille bande d'amis se retrouve dans le chalet luxueux du beau-père de l'un d'eux, et ça part en vrille. Déficit d'écriture, déficit d'idées, déficit d'humour, sur une énième variation de fête qui dégénère, Helena Noguerra est très belle, mais ça ne suffit pas à faire un film, dommage, Michael Youn a été mieux inspiré par le passé.

samedi 9 novembre 2024

Alexandre de La Patellière, Matthieu Delaporte, Le comte de Monte-Cristo, 2024

Le récit est passionnant, mais c'est le scénario de Dumas qui est génial. Pour autant, ce n'est pas une grande expérience de cinéma. Le film n'a pas l'ampleur des grands films à laquelle son scénario pourrait prétendre, l'image reste bien télévisuelle et la mise en scène plate.

Coralie Fargeat, The Substance, 2024

Fable farcesque chromatique, fluo, sexy — et son opposé : monstrueux, putrescent, ridé, difforme. L'intrigue exploite une seule idée jusqu'au bout : le mythe de la jeunesse éternelle, une variation du Portrait de Dorian Gray. Il y avait déjà dans son précédent film cette même tenue d'une seule ligne de laquelle la réalisatrice ne déviait jamais. Les références ostentatoires vont de Kubrick à Cronenberg et Lynch. Il y a dans ce film une certaine radicalité jubilatoire — pour qui est sensible au genre grand-guignol. On peut s'étonner que ce soit pour son scénario, si mince, qu’il a été primé à Cannes, tant ce sont ses images qui sautent aux yeux.





jeudi 7 novembre 2024

Maxime Govare, Heureux gagnants, 2024

Sketchs mettant en scène des malheureux gagnants au loto avec de bonnes actrices et acteurs. Anecdotique.

Columbo, La griffe du crime, 1997

Une femme et son amant assassinent le rival du mari de la première et disposent des preuves afin de faire soupçonner le mari. Ici les preuves sont évidentes et c'est au cours d'une simple confrontation que les coupables vont finalement, dévoilant leur complicité par deux gestes, se trahir eux-mêmes. C'est Shera Danese, le femme de Peter Falk qui joue la méchante. Un excellent Columbo deuxième période.

Jean-Christophe Meurisse, Les pistolets en plastique, 2024

Un film entièrement pénible et stupide, ponctué de quelques scènes comme extraites d'autres programmes (celle avec Jonathan Cohen) mais qui ne parviennent pas à le sauver de son désastre formel et de propos. Un cinéma qui se voudrait semble-t-il incisif, percutant, provocateur mais qui reste définitivement bas du front. Affligeant.

Jean-Christophe Meurisse, Oranges sanguines, 2022

 Suite de sketchs attendus et complaisamment médiocres.

Erle C. Kenton, Island of lost soul, 1932

Un film plastiquement sublime dans tout son prologue, à la fois dans sa photographie, et dans son montage, sur le bateau, sur le pont, aux abords de l'île, dans le brume, dans l'encadrement des rochers : chaque plan est une affirmation de cinéma :

Par la suite, quand le récit proprement dit commence, lorsqu'il s'agit de montrer les rapports entre les différentes formes d'humanité, la photographie est moins travaillée, les plans sont moins inspirés. L'intrigue tourne autour d'une romance impossible, brasse beaucoup en très peu de temps : modification génétique, sexualité, sauvagerie, domination, sadisme, croyances…

Le réalisateur, Erle C. Kenton a réalisé plusieurs Frankenstein, un Dracula et plusieurs Abbott et Costello, c'est à Karl Struss, directeur de la photographie et à Hans Dreier, directeur artistique, qu'on doit la beauté étrange de ce film : sa photographie et son maquillage. Un film inégal magnifique.













 



mercredi 6 novembre 2024

Charles Lamont, Abbott and Costello Go to Mars, 1953

Abbott et Costello embarquent dans une fusée à destination de Mars, mais qui atterrit non loin de son lieu de décollage, en plein mardi-gras, créant la confusion chez les astronautes amateurs qui croient reconnaitre dans les figures monstrueuses en papier mâché des martiens.

La fusée s'envolera une deuxième fois, jusque sur Vénus, planète prétexte à montrer des vénusiennes en tenue sexy. 

Il y avait dans la beauté des décors, du vaisseau, du véhicule et dans l'articulation de ces planètes (la terre prise pour une autre et la gynocratie vénusienne), une promesse comique, une ambition — qui comme la planète Mars du titre — ne seront jamais atteintes. 





dimanche 3 novembre 2024

Guy Ritchie, The gentlemen, 2024

À la mort de son père, le fils cadet, un militaire hérite du domaine et d'une plantation de cannabis dont il découvre l’existence. Aristocratie anglaise et trafiquants divers, une bonne série, qui ne tient pas tout à fait les promesses de ses débuts enthousiasmant.

dimanche 27 octobre 2024

Fleischer, The Chinaman, 1920

 Bref dessin animé dont l'intérêt principal vient de ce qu’il mélange animation et film.

Jeremy Saulnier, Rebel Ridge, 2024

Un homme noir est arrêté par les flics et dépossédé des 30000€ d'une caution destinée à libérer son cousin. L'homme va essayer de récupérer ce qui lui est dû. Rebel Ridge a une certaine ambition narrative à son début mais qui n'est pas tout à fait tenue. Reste une sorte de Rambo, plus administratif, moins social, et un peu longuet.

dimanche 8 septembre 2024

Hiroshi Shimizu, Anma to Onna (La femme et ses deux masseurs), 1938

Le récit ici est presque anecdotique : dans un onsen, à la montagne, des masseurs aveugles et des curistes se croisent sur les chemins de randonnées et se retrouvent le soir.

Le génie du film tient à autre chose.

La plus grande partie de la filmographie (169 films) de Hiroshi Shimizu date d’avant 1930, elle est muette et Shimizu en a gardé parfois la trace dans ses films sonores — comme un refus de sacrifier à l'avènement du parlant, un procédé toujours efficace.

Il y a dans La femme et ses deux masseurs une scène singulière, de toute beauté, qui  métaphorise d'une part la cécité et l'extraordinaire dextérité des masseurs, et d'autre la perte qu'entraine l'avancée de la modernité et le désenclavement (ce qui un des thèmes récurrents du cinéma de Shimizu).

L’un des masseurs croise, dans la cour du onsen, une femme, qui va se retourner à plusieurs reprises, sans que lui, aveugle, ne puisse la voir. C'est une scène presque silencieuse, avec uniquement le son étrange de la pellicule — qui évoquerait presque une pièce de Bernhard Günter.

Cette scène se départit des autres : soit qu'elles n'émettent de son que les voix des acteurs (prises au micro directionnel et éliminant tous les bruits parasites); soit que des sons environnementaux ont été captés, ou encore lorsqu'une musique extradiégétique y a été ajoutée.

Le silence et la répétition du mouvement : les deux personnages qui avancent successivement vers la caméra, qui se frôlent et se cognent aux autres curistes, extraient presque cette scène du cadre purement narratif pour une forme d'abstraction. 

Plus généralement, au delà de cette stratification sonore et de cette scène muette, le film met en œuvre une batterie technique : champ / contre champ, travelling le long des coursives, caméra portée qui suit les randonneurs, cadre au niveau des genoux sur les chemins, plans fixes à hauteur de tatami sur les curistes en train de se faire masser, etc. — un prodigieux ensemble de mouvements et de heurts.


Le film rappelle deux films français du début du parlant, dont les récits également anecdotiques servent une expérimentation formelle qui nourrira le cinéma de Godard notamment : La nuit du carrefour de Renoir et La tête d'un homme de Duvivier.

 

 La femme et ses deux masseurs est une merveille et le cinéma de Shimizu est une merveille qui mérite une autre place dans l’histoire du cinéma.





Star Wars : Skeleton Crew, 2024

Quatre enfants d'une banlieue pavillonnaire embarquent accidentellement dans un vaisseau qui les emmène loin de chez eux. Les voici donc...