mardi 4 mars 2025

Lou Ye, Suzhou River, 2000

Deux hommes, deux femmes, la rivière Suzhou. Le mélange de genres — histoire d'amour, crime, mystère, fantastique — est intrigant, et les images, filmées comme un documentaire, de la rivière et de ses berges industrielles sont très belles. Un film singulier, flottant dans son récit

Julien Duvivier, Les cinq Gentlemen maudits, 1931

À bord d'un paquebot, en route vers le Maroc, cinq gentlemen, dont un millionnaire. Le film utilise un cadre presque ethnographique pour y couler un récit fantastique et mystérieux. Le mélange est absolument réussi : séquences musicales documentaires de toute beauté, poursuite finale de type slapstick, quelques échos du cinéma muet, et la splendeur des villes marocaines. C'est un des premiers films de Robert Le Vigan. Les Cinq Gentlemen maudits est une parfaite synthèse entre un formalisme hérité des avant-gardes et une narration populaire. Un grand film de Duvivier, injustement méconnu.

Martin Scorcese, After hours, 1985

Une nuit à New York : des sollicitations amoureuses, de l'art contemporain, des bars, des vols et des poursuites. Un conte farfelu, drôle, porté par le ton très juste de Griffin Dunne. Une parenthèse légère dans la filmographie du grand Martin Scorsese.

Ozu, Printemps tardif, 1949

Un film d'une infinie délicatesse sur la séparation d'une jeune femme en âge de se marier de son père veuf. La famille, les conventions, les jeux de rôle sociaux. L'un des films les plus simples et les moins hiératiques d'Ozu. Tout ici est bouleversant.

vendredi 28 février 2025

Wong Kar-wai, 2046, 2004

Le film est traversé de beaux moment et d’au moins une scène sublime, quelques secondes dans un tripot. Il y a la beauté de ses deux acteur.rice, des vêtements, coiffures, maquillage, de la musique de Delerue — tout cela sauve un peu le film. Mais le récit est inutilement étiré et son roman de SF enchâssé inutile. Le pire peut-être, c'est que, si attaché à ses images et à une imagerie des années 60, il ne parvienne pas vraiment à retranscrire quoi que ce soit de la mélancolie amoureuse qu'il met en scène. Un très beau film raté.

jeudi 27 février 2025

Wuershan, Creation of the Gods 2, 2025

Le film est beaucoup trop long, et ne sait pas comment s’arrêter (trois scènes post-génériques…). Il a un problème manifeste de structure, de construction, de rythme. Par ailleurs les dynamiques d’alliance entre les différents protagonistes et leur bestiaire sont à peu près incompréhensibles. Si on passe outre, c'est un film mythologique entre le kitsch et les CGI flashy, jalonné de quelques bonnes scènes de baston/poursuite. 

mercredi 26 février 2025

Robert Bresson, Quatre nuits d’un rêveur, 1971

Un jeune homme interrompt une jeune fille qui s’apprête à sauter du Pont Neuf. Paris, la nuit, la Seine, les bateaux-mouches, des femmes longilignes très belles, la musique des années 70, les cheveux longs des garçons et le sentiment amoureux. Le maniérisme de Bresson, a trouvé dans un certain cinéma de genre, son accomplissement formel : Pickpocket, Un condamné à mort s’est échappé. Ici, dépourvu de toute tension narrative, il montre certaines de ses limites, entre la grâce et le ridicule.

dimanche 23 février 2025

David Lynch, Twin peaks missing pieces, 2014

Récit parallèle au film, prolongeant certaines scènes, mettant en scène des acteurs de la série qui n'apparaissent pas dans le montage final du film.

mardi 18 février 2025

James Whale, La fiancée de Frankenstein, 1935

Le récit est loufoque et hasardeux, mais son artificialité répond parfaitement à celle de sa créature et de ses décors magnifiques), à son tournage en studio : la lande, la foule, le laboratoire, la machine — la fiancée du titre n’apparaissant qu’à la toute fin. On y retrouve tout l'esprit des extraordinaires films fantastiques des années 30 : Les poupées du diable de Tod Browning, Le testament du Docteur Mabuse de Fritz Lang, The Mask of Fu Manchu et les autres films de James Whale.

Andreas Hartmann, Arata Mori, Jōhatsu (Evaporés), 2024

80 000 personnes s'évanouissent au Japon chaque année, la plupart resurgisse mais certains disparaissent pour de bon. Ce documentaire fait le portrait de quelques-un des évaporés et de leur passeuse — ceux qui ont accepté de témoigner après avoir disparu et refait leur vie ailleurs, afin d’échapper à leur femme, leur patron, la mafia, des dettes, etc. Le film survole le phénomène — peut-être limité par la nécessaire confidentialité de ses témoignages, aucun point technique, quelques belles images du Japon. 

lundi 17 février 2025

Toshiharu Ikeda, La légende de la sirène, 1984

Un couple de pêcheur d’ormeaux est attaqué par des yakuza, l’homme est tué. Accusée du meurtre, la femme trouve refuge sur une petite île, dans un bordel. Et elle va se venger. Le film est singulier dans construction, il emprunte à la chronique insulaire, à la fable, au film aquatique, au pinku eiga, au grotesque et au film d’horreur sanglant. C’est à la fois un récit de vengeance maritale et celui d’une sauvage naïade contre le capitalisme. Film de genre(s) extrêmement bien réalisé, aux magnifiques images.

Hou Hsiao Hsien, Mambo, 2001

Vicky veut quitter Hao-Hao mais Hao-Hao la retrouve toujours. Les néons et les lumières artificielles, la fumée des cigarettes et la beauté de son actrice, Shu Qi, constituent les principaux motifs de ce film presque sans récit. Mambo est un film sur la grammaire du cinéma et son pouvoir — qui donne envie de partir à Hokkaido, comme son héroïne, y traîner dans les rues enneigées des cinémas, afin de poursuivre la séance devant d’autres films encore.

dimanche 16 février 2025

Brady Corbet, The Brutalist, 2025

Fresque sur la réhabilitation d’un architecte hongrois, émigré après la guerre aux États-Unis. Le film est ample et ambitieux, mais on peut lui trouver une emphase thématique (judaïsme, religion, architecture, Shoah, immigration, drogue, humiliation sociale, handicap, etc.), musicale (ses cuivres pompeux que semble dédouaner par anticipation la dédicace du film à Scott Walker) et une application scénaristique scolaire (morphologie du récit de réhabilitation) — depuis son « ouverture » en passant par son basculement souterrain et son épilogue raté. Une scène est très belle (la carrière de marbre).


samedi 15 février 2025

Halina Reijn, Baby Girl, 2024

Une femme haut placée (dans le milieu de la robotique) n’a pas de plaisir avec son mari, elle s’émeut d’un jeune stagiaire qu’elle a vu maîtriser un chien. Débute une relation SM qui empiète peu à peu sur sa vie de famille et risque de compromettre sa place dans l’entreprise. À la fin : tout rentre dans l’ordre (le mari réussit à la faire jouir). Annoncé comme un thriller érotique, Baby Girl n’est vraiment ni l’un ni l’autre. Si l’on s’abstient d’y chercher un propos clair, c'est un film, sur le désir (et l’importance de la famille) ponctuée de belles scènes et d'autres ridicules.

vendredi 14 février 2025

Les Tuche 5, 2025

Les Tuche en Grande-Bretagne, le film est une suite de sketchs constamment nuls, empruntant parfois à un humour exogène qui ne fonctionne jamais. On peut trouver la proposition modeste ou fainéante.

jeudi 13 février 2025

Carl Dreyer, La passion de Jeanne d’Arc, 1928

À partir des minutes du procès de Jeanne d’Arc. Le début sur les gros plans de visages, convoque des moments de l’histoire de la peinture — de Bruegel aux dessins de procès de sorcellerie de Victor Hugo. Avec un usage du décor, théâtral, quasiment abstrait et quelques plans pour l'ancrer dans un environnement réaliste. Le film fait un usage presque systématique de la contre-plongée comme pour restituer aux spectateurs la vision (yeux ostensiblement levés vers le ciel) de Jeanne d'Arc. La fin dans sa construction de plans alternés, oiseaux, château, foule, feu est de toute beauté. Chris Marker l'a qualifié de plus beau film du monde. Muet et silencieux.

David Lynch, Eraserhead, 1977

Dans une ville industrielle d’une noirceur et d'une désolation absolues, un couple a un nourrisson à la tête de lapin écorché et dont le corps oval est maintenu par des langes. Cauchemar sur la parentalité, cauchemar tout court, le premier long métrage de Lynch a des traits de son cinéma à venir : les plans qui se rapprochent des murs et sont absorbés par eux, et la présence constante, texturale du son — entre le vrombissement des systèmes anthropiques et la musique. Vingt ans plus lus tard, dans Une histoire vraie, Lynch reviendra, sur le thème de la famille — avec un film, cette fois, en couleurs et lumineux. 

dimanche 9 février 2025

Jacques Audiard, Emilia Perez, 2024

Il y a une certaine virtuosité technique dans les premières chorégraphies chantées du film mais l'ensemble : le récit d'un double parcours (de l'homme vers la femme et du mal vers la rédemption), l'amour filial plus fort que tout, la photographie qui atténue tout contraste à la manière de la dilution générique du récit  — m’évoque plus une bouillie grise qu'un objet trans.


David Lynch, Lost Highway, 1997

Le film est construit en deux parties et en boucle. Dans la première, un couple reçoit des cassettes vidéos filmées aux abords de leur maison puis dans la maison elle-même. À la tension de l’intrusion s'ajoute le soupçon de l’homme sur l’emploi du temps de sa femme. Puis elle est retrouvée morte, le mari est accusé du meurtre et emprisonné.

Le pivot du film est la substitution inexplicable en prison d’un jeune garagiste à sa place.

Dans la deuxième partie, le jeune garagiste libéré rencontre une femme, maîtresse d'un truand psychopathe, et double de la première.

Deux histoires de jalousie autour d'une même femme, dans deux milieux : sophistiqué et arty, prolo et truands. Lynch utilise les effets du film d'horreur sans image d'horreur, un fond sonore, entre musique et environnement amplifié et différentes natures d'images hétérogènes pour raco ter deux histoires qui se répondent.

Sommet du cinéma de Lynch avec Twin Peaks (la série) et Mullholland Drive.

Naoko Ogigami, Le jardin zen, 2023

Une femme, à Tokyo, traverse une phase difficile. Le film commence au moment de la catastrophe de Fukushima et où son mari quitte le foyer conjugal. Contamination de l'eau et abandon du domicile dessinent les deux fils du récit. La femme se réfugie dans une secte d’adorateur de l’eau verte et substitue au jardin de plantes dont s'occupait son mari un karesansui (un jardin de pierres). Six mois plus tard, le mari atteint d’un cancer, revient à la maison.

Le film est une comédie, pince-sans-rire, qui traite de la ménopause, de la place des femmes et de la société patriarcale japonaise. Cette « femme au bord de la crise de nerfs » nippone va maintenir le cap, malgré les injonctions à ce qu'on attend d'elle et la tentation personnelle à se laisser au pire, et traverser glorieuse, l’épreuve et dansante. C'est un film remarquable par son ton, son humour, sa justesse et la finesse de ses analyses.

Kim Jee-Woon, A bittersweet life, 2006

 Récits de vengeances, entre film de baston violent et film de gangster décontracté, c’est assez répétitif mais suffisamment original, un bo...